Arthur a écrit :L'huile dans l'essence, la graisse sur le joint de culasse, la peau de banane dans l'huile de pont, la sciure dans l'huile moteur sont des cache misères de colmatage.
La sciure c'est dans ...l'huile de pont...
Et que dire des substitues au plombs cher Arthur?
Quand aux bananes ou à leur peau en voici un extrait!
Voici la fameuse histoire des bananes (que tout deuchiste devrait connaître, tant elle a participé à la légende d'increvabilité de la voiture), racontée dans le livre "La terre en rond", Flammarion, 1960.
C'est l'histoire de deux jeunes étudiants de Perpignan, Jacques Séguéla (qui deviendra plus tard le célèbre publicitaire de "la force tranquille" pour l'élection de Miterrand et "les chevrons sauvages" pour Citroën dans les années 80, entre beaucoup d'autres) et Jean-Claude Baudot, qui ont fait le tour du monde en 2cv, parcourant 100 000 kms.
Voici un extrait de leur livre, relatant les faits :
"Nous abordons l'Atacama. Coincé entre les Andes et le Pacifique, boursouflé par de perpétuels tremblements de terre, ce désert se meurt d'érosion.[...] Peu à peu, nous découvrons l'enfer : 600 kms sans une touffe d'herbe, sans un souffle de vie, sans même une mouche. Seulement, balisant la piste de loin en loin, des croix de tombes de chercheurs d'or [...] La piste bat de très loin les plus mauvaises pistes africaines. Sa "tôle ondulée" est la plus dure que nous ayons jamais connue. Elle nous fait claquer des dents.
Les écarts de température sont stupéfiants : à 2 500 m, vers le soir, nous devons rouler jusqu'au matin pour bénéficier du chauffage de la 2cv. [...]
2 heures plus tard, le moteur émet un horrible bruit de crécelle. Nous stoppons immédiatement et, épuisés, nous nous endormons sans chercher à comprendre. Au matin, stupeur et consternation : plus une goutte d'huile dans la boîte de vitesse. Le bouchon de vidange du carter a disparu. Les terribles cahots de la tôle ondulée l'ont surement dévissé peu à peu. Et pour tout arranger, nous n'avons pas d'huile en réserve. La seule chose à faire est d'attendre le passage d'un camion, aussi providentiel qu'hypothétique. Nous rationnons l'eau et les vivres, sachant que l'attente peut durer 2 à 3 jours, et nous cherchons le sommeil pour économiser nos forces.
Vers midi, un léger bruit nous réveille : un Chilien, sans âge, presque noir, regarde en souriant la voiture. Il est seul, un sac sur son épaule. Tant bien que mal, nous tentons de lui expliquer notre détresse. Il cherche à comprendre, puis soudain il sourit, ouvre son sac, en sort une dizaine de bananes, les épluche soigneusement ... et les introduit une à une dans le carter.
C'est avec ce lubrifiant que nous roulons pendant 300 kms. Et les vitesses passent sans grincer!"
Voilà la vraie histoire. Avant de lire l'extrait dans le livre de Jacques Wolgensinger, La 2cv nous nous sommes tant aimés, j'étais persuadé qu'il s'agissait du carter moteur, et je ne suis pas le seul à croire cette version de l'histoire au vu de messages rencontrés sur les forums. J'ai donc recherché les causes de cette mésinformation.
J'ai retrouvé des vieux articles du Selection du reader's Digest, et j'ai compris d'où étais venue l'erreur.
Dans le premier article de 1975 ("La tortue qui rugissait"), il est raconté que c'est l'écrou de vidange du carter qui s'était desserré, laissant échapper l'huile. C'est Séguéla dans cette version de l'histoire qui eu une "idée lumineuse" en voyant arriver un indien avec un régime de bananes (sur l'illustration, on voit un indien avec un régime qui fait la moitié de sa taille, on est loin de la dizaine de bananes!). Dans cette version, séguéla les achète et les pèle lui-même. La voiture roula six heures jusqu'au prochain garage.
Dans le second article ("Un bolide nommé 2cv") paru dix ans plus tard (1985), l'histoire est raconté de façon encore plus brève, au milieu des légendes marquantes circulant sur la 2cv. Je le reprend texto:
" On affirme aussi qu'au cours d'une expédition autour du monde, un explorateur en panne d'huile, au Chili, aurait rempli son carter de pulpes de bananes..."
Et voilà comment l'histoire se déforme avec le temps, jusqu'à devenir une légende qui montre que la deuche peut se sortir de toutes les situations, même les plus désespérées. Le mythe de l'aventure.
La confusion vient du mot carter, car quand rien n'est précisé, il fait référence au carter moteur et non au carter BV. L'imprécision des journalistes (peut-être volontaire, pour rendre l'histoire plus belle) a ainsi enjolivé la légende.
Quand on y réfléchi, mettre des bananes dans des engrenages de BV, OK. Dans un moteur, avec le faible jeu piston-cylindre...
Ajout du 29/11/2009, concernant la légende urbaine du moteur remplit de bananes. Dans un documentaire de la chaine Planète de 1996, "La fabuleuse histoire de la 2cv", ou Jacques Ségéla lui-même (mais 40 ans après les faits), raconte l'anecdote : Il reconnait que c'est lui qui a fait les 2 erreurs, à savoir mal revisser le bouchon de carter d'huile (il hésite sur le mot huile, et la suite ne sort pas). Et la deuxième erreur, de n'avoir pas remplit les réserves d'huile. Revisser, ça indique bien un bouchon de vidange. Mais il indique ensuite que l'huile finit par gicler du carter au bout de 400 kms, ce qui ferait penser à un couvercle de reniflard mal mis.
E, 2008, France 5 sort un reportage "La 2cv : autoportrait" suivi d'un entretien d'Antoine Demetz (donc 50 ans après les faits), et dans le reportage Jacques Séguéla est encore une fois interviewé, avec un petit jeune qui vient de faire 40 000 kms en raid, sur les traces de l'ainé. Devant le moteur de la dernière deuche aventurière, Séguéla engueule gentiment le jeune devant la saleté du carter moteur, racontant qu'ils nettoyaient chaque matins le leur. Il raconte aussi la fois où il a mal refermé le bouchon de reniflard (en désignant ce dernier et le dispositif élastique qui permet d'éviter de faire l'appoint d'huile et d'oublier de refermer le bouchon), même s'il fronce les sourcils comme s'il n'est plus trop sûr si c'était ça, mais ça pourrait s'expliquer par le fait que leur type A avait un reniflard "bec de canard" différent des reniflards modernes monoblocs) l'huile avait finit par se disperser dans le capot moteur jusqu'à ce qu'il n'y en ai plus dans le carter. Il raconte alors l'histoire du Chilien qui surgit du désert avec son sac de bananes, qui après qu'on lui ait expliqué sourit et glisse les bananes unes à unes dans l'orifice de remplissage d'huile moteur (et Séguéla montre alors le reniflard ouvert et fait mine d'y glisser des bananes). Il rajoute que le moteur à ainsi fait 300 kms ainsi.
Alors, où est la vérité?
C'est vrai que c'est l'erreur classique en raid d'oublier de refermer le bouchon, mais en général ça fume assez vite et on doit vite s'arrêter pour vérifier, sauf si on roule à bonne vitesse et la fumée ne se voit pas.
Serait-ce pour ça que Baudot et Séguéla aurait changé leur moteur à New York, au milieu de leur tour du monde, aux frais de Citroën? (scandale seulement levé en 2007).
Difficile de savoir, mais j'inclinerais plus pour la version du bouquin (la boite de vitesse), qui est plus fraîche dans les mémoires qu'au bout de 53 ans!
Une dernière chose...Les "B" ne mangent pas de bananes! mais faites attention de ne pas glisser sur la peau!
