Éloge de la voiture

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oldgrey
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Éloge de la voiture

Message par oldgrey »

Article paru dans La Libre Belgique du 16/09/2018

"L'automobiliste est le bouc émissaire rêvé"

Alors que s’ouvre la semaine de la mobilité et que les voitures restent au garage dans Bruxelles, ce dimanche, Thomas Morales semble jouer la provocation.

Son nouvel essai, Éloge de la voiture, sort en librairies jeudi.

Rencontre avec cet amoureux de l'époque révolue des belles autos.

Qui incarnent les rêves, le plaisir, la liberté et l’espoir perdus à jamais.


Publier aujourd’hui un livre à la gloire de la voiture, c’est plutôt osé, non?

Effectivement, il est certain que ce n’est pas dans l’air du temps de vanter les bienfaits de l’automobile… J’en avais d’autant plus envie que le Mondial parisien de l’auto arrive (en octobre) bien qu’il ait quelques soucis, plusieurs constructeurs ayant annoncé qu’ils ne viendraient pas. Apparemment, depuis quelques années, ils semblent se désengager des salons traditionnels où on expose uniquement des voitures (Détroit, Genève, …) et considérer qu’on ne vend plus par ce canal-là, en exposant les nouveautés au public.

Puisque vous parlez de ventes, vous vous positionnez comme défenseur d’une “espèce en voie de disparition” (comme indiqué sur la couverture de votre livre). Mais en Belgique, le 1er semestre 2018 a connu plus d’immatriculations de voitures neuves que jamais : la mort de l’auto ne semble pas pour demain, si?

Le parc automobile mondial grossit en effet. Mais mon angle, c’est bien une espèce en voie de disparition. Rien à voir avec l’automobile de masse comme elle se présente aujourd’hui. Moi, je vante une voiture qui était un morceau de la culture, de l’identité, de l’histoire de chaque pays. 
Ce que je regrette, c’est que, même si le parc augmente, la diversité des véhicules, elle, a complètement disparu. La mondialisation a nivelé la production, elle l’a tirée vers le bas. On peut dire que la production automobile actuelle est une énorme quantité d’autos low-cost et, à l’autre bout de l’échelle, quelques modèles très haut de gamme. Entre les deux, plus rien! 
Pendant les Trente Glorieuses, rien qu’en France, une Peugeot, une Citroën, une Renault, cela ne voulait pas dire la même chose. Chacune avait une expression stylistique unique, son univers propre. C’est ça, mon espèce disparue. J’éprouve de la nostalgie, et même de l’émotion, pour la voiture de cette époque, entre la fin de la deuxième guerre et la standardisation du début des années quatre-vingts. Et, avec mon petit essai, je veux dire aux jeunes de maintenant qu’il a existé autre chose.

Avec votre sens de la formule, vous dénoncez notre époque “où les voitures sont tristes, calibrées comme des tomates transgéniques”. Mais n’a-t-on fait aucun “progrès”? Ne pensez-vous pas que les modèles de votre “grande époque” ont été une catastrophe pour la planète ?

Si, si, bien sûr. Mais les voitures dites propres d’aujourd’hui le sont-elles vraiment? Il faut regarder comment elles sont construites, recyclées, … Je ne suis pas un spécialiste mais, en matière d’environnement, on est peut-être moins gagnant qu’on ne le pense. Par contre, les constructeurs ont fait d’énormes progrès en matière de sécurité. Entre l’auto des années 2000 et une autre de trente ans de plus, il y a un énorme fossé. Cela étant, à quoi cela sert-il, à l’heure où on roule de moins en moins vite… ?

L’époque dont vous parlez est révolue. Elle ne reviendra pas. Ne fût-ce que pour une question d’environnement, l’avenir n’est-il pas à la diminution drastique du nombre de véhicules?

Je ne suis pas contre une limitation de circuler dans les centres urbains. Sauf qu’il faut offrir aux citoyens des alternatives de service public efficaces. Est-ce le cas ? Quant aux habitants des régions rurales, ils ont absolument besoin de leur voiture pour se déplacer. Si vous la leur enlevez, ils meurent instantanément. Touchez à l’automobile, c’est à toute la structure du pays que vous touchez  : sa géographie, ses routes, son tissu d’activités. Cela étant, vous l’avez compris, je ne défends évidemment pas la circulation d’aujourd’hui. Mon essai consiste plutôt en une critique de la mondialisation.

Seulement à propos des modèles automobiles, du coup  ?

Bien sûr que non. On a perdu toute une partie de notre identité. Et l’automobile en fait juste partie. Je sais qu’on passe pour réac lorsqu’on dit que c’était mieux avant. Mais je peux sans problème vous citer un tas d’exemples où c’était effectivement mieux avant. 
Alors certes, autrefois, l’auto était source de pollution et d’accidents, mais elle n’était pas que cela. Et elle ne mérite pas d’être systématiquement le premier totem que l’on va abattre comme le fait depuis quarante ans la politique française. L’automobiliste est le bouc émissaire rêvé, idéal. Il est traçable et tangible. Il a une adresse, donc l’État peut facilement s’arrêter sur lui. Il a l’impression que c’est toujours un peu sur lui que ça retombe… et on ne peut pas lui donner tort. Pour reprendre une formule du réalisateur Michel Audiard : le conducteur est “la mascotte des tortionnaires”. 
En outre, l’auto est l’expression souveraine de la propriété privée. Si on s’y attaque, c’est l’individu qui est touché.

Vous exagérez un peu, non ? Compte tenu de la situation actuelle, ne devrait-on pas s’habituer à remplacer la propriété individuelle d’une voiture par une utilisation partagée voire l’usage d’autres moyens de transports ?

Encore faudrait-il que les moyens collectifs offerts constituent une alternative efficace… On en est très loin. Et puis, moi, je suis attaché à la propriété privée d’une automobile car elle procure un certain plaisir. Le plaisir de posséder : voilà encore des mots qu’on ne peut plus utiliser aujourd’hui. J’ajouterai encore une dimension de repli : dans un monde où tout doit être connecté, on peut se réfugier dans sa voiture. C’est un des derniers lieux où on peut se retrouver un peu en dehors de la société avec quand même, je vous l’accorde, un certain nombre de dérives.

Comme ?

Comme la saturation des grands centres urbains. Mais ce n’est pas comme cela partout. J’habite Paris et je suis originaire de la campagne. D’un milieu très rural. Du coup, j’ai les deux visions. Celle de la capitale où le trop d’automobiles pourrait conduire à l’implosion. Mais aussi celle des campagnes où la voiture est un moyen de survie. Mes parents qui sont déjà assez âgés ne s’en sortiraient pas sans la leur !

À la lecture de votre livre, on a l’impression que l’auto fait partie de votre famille…

C’est vrai. Et il y a une vraie culture automobile, ce qui fait ricaner beaucoup de monde. En France, les intellectuels aiment bien ricaner. Pourtant, je peux facilement leur prouver que l’automobile est un élément consubstantiel de la culture française. On peut par exemple tracer l’évolution de l’automobile dans le roman français. Ou le cinéma. Malheureusement, on met un voile sur ce passé-là comme s’il n’avait jamais existé. Mollo ! C’est pourquoi j’ai voulu laisser une trace gourmande de ces saveurs d’autrefois.

À un moment, vous dites : “Je plains sincèrement les enfants du XXIe siècle. Ballotés dans d’informes monospaces (…), ces petits monstres auront tracé leur prime jeunesse, sans affect et sans but.” Tout cela à cause des voitures ?

Tout ce qui était lié au plaisir est, d’une certaine façon, criminalisé. Et cela va bien au-delà de la voiture. On ne s’est pas rendu compte qu’on a dépassé ce qui constituait une parenthèse enchantée. Rappelez-vous la télévision des années 60. C’était d’une diversité, d’une intelligence, d’une curiosité intellectuelle fantastiques. Il y avait un espoir partagé par toutes les couches de la population. En 1960, que vous soyez fils de bourgeois ou d’ouvrier, vous pouviez rêver.

La révolution numérique ne vous fait pas rêver ?

Elle ne révolutionne pas la vie, je trouve. C’est plutôt gadget. Qu’est-ce que la virtualité ? Moi, je veux être ému et touché dans ma chair. Pour de vrai
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LOTUS11
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Re: Éloge de la voiture

Message par LOTUS11 »

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